Monsieur Jean-Marie Dayot par les Textes
Deuxième Partie : Origines des duperies
Deuxième Partie : Origines des duperies
Nguyên Vinh-Trang
B - Origines de ces duperies.
I - L’affaire de J.M. Dayot et d’Olivier de Puymanel.
1) Pierre-Jacques Lemonnier de la Bissachère (1764-1830)
Missionnaire, le père de la Bissachère « … partit le 11 décembre 1789 pour le Tonkin occidental… Lorsque la persécution éclata, il fut obligé de fuir, et en 1798, il se retira sur un îlot montagneux éloigné de quatre heures de barque de la côte ; il resta sept mois dans cet asile et réussit à échapper aux recherches. Il fut pendant quelque temps à la tête d'un petit séminaire, probablement vers 1800. Peu après, il eut encore à souffrir de la persécution, et sa tête fut mise à prix. Malade en 1806, il se rendit à Macao, et l'année suivante il partit pour l'Europe ; il débarqua en 1808 en Angleterre où il resta. Il vécut à Londres et à Oxburg, et songea, dit-on, à la fondation d'une congrégation dont nous ignorons le but ; d'ailleurs ce désir n'eut pas de suites. Il publia alors, en collaboration avec M. de Montyon, ou, plus exactement peut-être, de Montyon publia un ouvrage sur le Tonkin et la Cochinchine, en se servant des notes du missionnaire qu'il retoucha et remania parfois assez malheureusement ». [ME, Archives, Site Internet, http://archives.mepasie.org/fr/notic...la-bissachare].
La vision du père de la Bissachère sur le Viêtnam semblait bien limitée et inexacte. Cela pouvait être dû aux limites de ses déplacements dans le pays. A cause de la guerre, il ne fréquentait que les endroits peu confortables situés au nord de l’Annam, territoire sous contrôle de Quang Trung, 2e empereur des Tây Son. C’est ainsi qu’il éprouvait une sorte de mépris pour les gens du pays, allant du roi jusqu’au simple habitant. Il les considérait comme des sauvages, à l’exception peut-être des locaux convertis par lui-même. En réalité, il connaissait très peu le pays. Ses récits résultaient de ouï-dire ou sortaient de son imagination, car il n’était pas témoin direct des faits…
Pour l’empereur Quang Trung, il écrivait :
« … En voici la raison, une nombreuse armée chinoise étant venue au Tonquin pour rétablir sur le throne l'ancienne famille Lé qui s'était réfugiée à Pékin, Quang trung qui pour lors était en Cochin-Chine apprenant l'arrivée de cette armée chinoise accourut au Tonquin seulement avec quelques centaines de soldats, il marchait jours et nuits ramassant sur sa route par force tous les hommes en état de porter les armes… … Enfin il arriva près du camp des Chinois avec ses soldats fatigués et dont une partie étaient estropiés des longues marches et à demi-morts de fatigue et de suite, sans être effrayé du grand nombre des ennemis, il les attaque et en tue environ quarante mille le jour de son arrivée ceux qui échappèrent au massacre s'enfuirent et périrent presque tous dans les forêts… » [Maybon, La Relation… op.cit., page 132].
Quelques centaines de soldats fatigués, estropiés, à demi-morts pouvaient-ils anéantir « une nombreuse armée chinoise de 40 000 hommes », et ce en un seul jour ? N’est-ce pas une histoire invraisemblable émanant de pures divagations ?
Pour Nguyên Anh, il écrivait :
… « Le Roy Gia-long étant arrivé à la Capitale de la Cochinchine s'y reposa pendant deux mois ou environ. Ensuite il s'occupa du supplice de ses prisonniers, un de mes gens que j'avais envoyé à la cour, pour m'obtenir une permission du roy et qui fut porté sur la liste de ceux qui pouvoient entrer au palais et se tenir devant Sa Majesté pendant un mois, se trouva de service le jour de l'exécution, et il la vit tout entière depuis le commencement jusqu'à la fin. A son retour il m'en a fait le récit, je ne puis m'en rappeler aujourd'hui toutes les circonstances qui d'ailleurs sont extrêmement dégoutantes, je ne rapporterai que ce dont je me souviens, ou ce qui m'a frappé le plus du récit qui m'en a été fait et qui depuis a été publique (sic) dans tous les états du roy de Cochinchine…
… on lui [l’empereur Quang Toản des Tây Sơn, fils de Quang Trung] attacha les pieds et les mains à quatre éléphants pour être écartelé… Les exécuteurs à l'aide d'un instrument duquel on n'a pas d'idée en Europe (c), séparèrent en quatre les parties…
…il avait une fille de quatorze à 15 ans (d) douée de tous les agréments de son sexe, lorsqu'elle vit que [139/99] l'éléphant d'une immense grosseur s'approchait d'elle pour la jetter en l'air…
…Les exécuteurs pour avoir dit-on son courage, mangèrent son coeur son foie, ses poumons et ses bras potelés [de madame Bùi Thị Xuân] (e)…»… [Maybon, La Relation…, op. cit., pages 117, 118, 119, 121].
Pour qui le père de la Bissachère se prenait-il pour pouvoir envoyer « un de mes gens » au palais impérial ? Tout le monde savait que Nguyên Anh avait refusé de recevoir les officiers supérieurs anglais et français qui n’avaient pas de lettres de créance de leurs rois.
Les lieux d’exécution étaient toujours bien gardés pour empêcher les complices armés de venir délivrer les condamnés. Comment le « un de mes gens » du père de la Bissachère pouvait-il être présent sur le lieu d’exécution ?...
Le supplice de l’écartèlement était inscrit dans le code pénal, réservé pour les grands crimes. Le père de la Bissachère s’était indigné de ce supplice dont dit-il, «on n’a pas d’idée en Europe » (voir (c) ci-dessus). On voit bien que le père de la Bissachère avait oublié très vite que ses collègues avaient utilisé le même supplice (exécuté par des chevaux ou par des machines en fer) contre les hérétiques, surtout contre les femmes, qui n’avaient tué personne, si ce n’est qu’elles n’avaient pas partagé les mêmes croyances que celles du père. [Il suffit de taper les mots « Inquisition, Cathares, et écartèlement » sur Google pour avoir des dizaines de documents sur ce sujet].
D’après le Code Pénal de l’époque, la peine de mort comportait 5 degrés : Giảo 絞, la pendaison ; Trảm 斬, la décapitation ; Kiêu Thủ 梟首, la décapitation avec l’exposition du crâne ; Lục Thi 戮尸, la mise en pièce du cadavre (très symbolique, car le condamné à la peine capitale, était déjà mort avant le procès) ; et enfin Lăng Trì 淩遲, le dépeçage du vivant (en Chine, mort lente) qui a été remplacée par la décapitation suivie de la mise en pièce du corps ou l’écartèlement (mort presque immédiate) [Voir Khâm Định Đại Nam Điển Lễ Sự Lệ, (Protocole impérial du Dai Nam), volume 11, page 19]. L’écartèlement du corps était réservé à la haute trahison, aux traîtres à la patrie (intelligence avec l'ennemi, se conjurer contre la Cour, conspirer pour l’assassinat du roi/empereur, profaner les mausolées des rois/empereurs défunts…), aux personnes manquant à la piété filiale (tuer les parents, tuer 3 membres de la même famille…)… [Voir Khâm Định Đại Nam Điển Lễ Sự Lệ, (Protocole impérial du Dai Nam), volume 11, page 36]. Les Tây Son ayant assassiné les rois Định Vương (Nguyễn-Phước Thuần), Tân Chính Vương (Nguyễn-Phước Dương), et les 2 frères de Nguyên Anh, Nguyên Anh était le seul garçon survivant de la famille, composée de 6 garçons dont un mort-né. Le 1er et le 4e étaient décédés sur le champ de bataille. Il était traqué, à l’âge de 13 ans, de toutes parts par les Tây Son. En outre les Tây Son avaient profané toutes les tombes des seigneurs des Nguyễn-Phước. C’est ainsi que la peine de l’écartèlement par les éléphants a été infligée à Quang Toản, empereur des Tây Son, fils de Quang Trung, et à ses 3 frères, le généralissime Quang Duy, le chef d’état-major Quang Thiệu, le gouverneur de Thanh Hóa Quang Bàn. La décapitation avec l’exposition du crâne a été infligée aux généraux Trần Quang Diệu et Võ Văn Dũng (a), ces derniers refusant de se soumettre. Mais à la demande du général Trần Quang Diệu, sa mère âgée de 80 ans fut graciée… Les tombes des empereurs des Tây Sơn Thái Đức (Nguyễn Nhạc), Quang Trung (Nguyễn Huệ) ont été rasées et leurs crânes emprisonnés [Chroniques Véridiques du Đại Nam, op.cit., tome 1, page 485].
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