Nostalgie

Perle de l’Orient, splendide Cochinchine
Nourrice du Japon et surtout de la Chine
Mère, au sein palpitant, fécond et gracieux
Aux cheveux toujours verts, au regard radieux ;
Bienhoa, fille étouffant sous la chaleur ardente
Frissonnant jusqu’aux os sous la pluie abondante
Qui viens boire sans cesse aux sources du Donnai
Et contemples Trian à l’éternel travail ;
Modeste coin natal où, pleine d’espérance
Errait et sautillait ma souriante enfance ;
Chaume où je m’endormais au doux chant maternel
Et goutais la tendresse, inépuissable miel ;
Buisson où je cueillais des fruits et fleurs sauvages
Et j’enlevais les oeufs à leurs mères volages ;
Ruisseau limpide et frais où trempait mon beau corps.
Pagode où j’admirais les bouddhas peints en or ;
Prairie où, sur le dos du taureau qui chemine
Je somnolais bien vite au son de la clairine ;
Jardin de bananiers où chantaient les grillons
Et où je voletais auprès des papillons ;
Rizière où je glanais avec les moissonneuses
Et faisais clapoter les mares poissonneuses ;
Marais où j’attrapais des poissons combattants.
Chemins où je courais sous la pluie et les vents ;
Pourquoi m’avez-vous pris cette âme tant chérie
Qui passait près de vous son innocente vie ?
Rendez-moi ce petit, cet être insouciant
Dont il ne reste hélas plus que le corps souffrant.
Depuis près de quatre ans, ma vie est monotone,
Languissante et beaucoup plus sombre que l’automne.
Je souffre trop ici du climat inconstant
Du froid mélancolique et du crachin piquant.
Non, je ne pourrais pas vivre sans toi, Patrie
Terre où je savourais le printemps de la vie.
Me blottir dans ton sein, te voir matin et soir
Puis finir dans tes bras, tel est mon grand espoir.
Châu Kim Đặng ( Hanoi le 10-2-1924)
Quelques vers d’un étudiant,
Imp. Duc Luu Phuong, Saigon, 1932, p.13-14.