UN MATIN À TÂN UYÊN
A la cloche criarde, au grelot pagodal
Déjà notre tam-tam, vieux veilleur communal
Dont la face est tendue et la robe vermeille
De ses mots enchaînés, onduleux, tremblotants
Et par degrés éteints, a parlé tristement
Des premiers pas du jour, de la fin de sa veille.
Le soleil est encor bien loin sous la forêt.
Dans l’air pur que pas un nuage n’a troublé
Va et vient l’épervier qui rôde et qui tressaille.
La blanche Aube a lustré de ses pleurs éternels
De ses pleurs ressemblant à de purs grains de sels
Les toits moussus, les champs, les bambous, les broussailles.
Sitôt que les appels de nos coqs sont lancés,
Les bêtes et les gens sont partout animés
Sur les « sao » du chemin à la cîme mouillée
La queue en éventail, des piverts, des moineaux
S’en vont vocalisant de rameaux en rameaux,
Disputant la chenille en sursaut réveillée.
La pie inquiétée au haut du goyavier
Par ses voisins bruyants, est prête à s’envoler.
Les merles en sifflant volent vers les rizières
À travers des talus, le troupeau frais, heureux
Marche à pas comptés vers le pâturage herbeux
Qui se trouve tout près d’une courte rivière.
Derrière, sur un gros buffle, à califourchon
Le jeune chef entonne une vieille chanson.
Là-bas, au loin, sur la route provinciale
Le fléau sur l’épaule où pendent deux paniers,
Des femmes, le bras balançant, vont au marché
Ainsi règne la liesse et la vie pastorale.
Châu Kim Đặng (Hanoi le 30-1-1925)
Quelques vers d’un étudiant
Imp. Duc Luu Phuong, Saigon, 1932, p. 19-20.